Le barème Macron, jugé illégal par plusieurs Conseils de Prud’hommes

Publié le 27 Janvier 2019

La fronde de plusieurs Conseils de Prud’hommes contre le barème Macron commence à se manifester, quatre décisions (Conseils de Prud’hommes de Troyes, d’Amiens et de Lyon, par deux fois) ont en effet jugé que ce barème était contraire aux engagements internationaux ratifiés par la France.

Cette résistance réjouissante constituera-t-elle l’amorce d’un mouvement plus profond ?

Le barème « Macron », on s’en souvient, fixe le montant de l’indemnité accordée à un salarié dont le licenciement a été jugé illicite, selon une fourchette comportant un plancher et un plafond, variant en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise (article L 1235-3 du Code du travail).

Il est particulièrement pénalisant, et injuste, pour les salariés ayant une faible ancienneté.

Ainsi à titre d’exemple : un salarié travaillant dans une entreprise employant plus de 11 salariés :

  • ayant moins d’un an d’ancienneté, ne pourra obtenir plus d’un mois de salaire,
  • s’il a 1,5 mois d’ancienneté, il aura droit à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire bruts.
  • s’il a 2 ans d’ancienneté, l’indemnité est comprise entre 3 mois et 3,5 mois de salaire bruts.

Un salarié travaillant dans une entreprise employant moins de 11 salariés :

  • ayant moins d’un an d’ancienneté, ne pourra pas non plus obtenir plus d’un mois de salaire,
  • s’il a un 1,5 mois d’ancienneté, il aura droit à une indemnité comprise un 0,5 mois et 2 mois de salaire bruts.
  • S’il a 2 ans d’ancienneté, celle-ci est comprise entre un 0,5 mois et 3,5 mois.

Le quantum est apprécié par les Juges en fonction du préjudice subi par le salarié injustement licencié, enserré dans ces limites légales.Avocat prud'hommes

Ce barème contestable ignore cependant le principe de la réparation intégrale du préjudice qui irrigue le droit de la responsabilité, et se heurte en outre à des normes internationales applicables aux juridictions françaises, qui prévalent sur notre droit national.

C’est sur ce fondement qu’ont statué les Conseils de Prud’hommes qui s’opposent au barème.

Deux textes internationaux peuvent être utilement invoqués à cet égard :

1) L’article 10 de la convention 158 de l’OIT, prévoyant que si le licenciement d’un salarié est jugé injustifié, les Juges « devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

2) L’article 24 de la Charte Sociale Européenne, qui dispose « qu’en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties (c’est à dire les États) s’engagent à reconnaître…. (b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

La Chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de reconnaître l’application directe en droit interne de la convention 158 de l’OIT, et avait considéré en 2008 que le « contrat nouvelles embauches », qui instaurait notamment une période d’essai pouvant durer deux ans, était contraire à l’article 4 de la convention (Cass. Soc. 1er juill. 2008 n° 07-44124).

S’agissant du second texte, l’article 24 de la Charte Sociale Européenne, dont l’application directe par les juridictions nationales fait débat, le Comité Européen des Droits Sociaux, qui en est le gardien, avait jugé le 30 septembre 2016 que la législation finlandaise, qui fixe un plafonnement aux indemnités pour rupture injustifiée d’un contrat de travail, violait ses dispositions, au motif que « le plafonnement de l’indemnisation prévu par la loi relative au contrat de travail peut laisser subsister des situations dans lesquelles l’indemnisation accordée ne couvre pas le préjudice subi » (Réclamation n° 106/2014, Finnish Society of Social Rights c/ Finlande).

Interprété à l’aune de ces textes, et plus particulièrement du premier d’entre eux qui s’applique devant les juridictions prud’homales, le barème Macron s’avère particulièrement inique à l’égard des salariés dont l’ancienneté dans l’entreprise est faible, notamment lorsqu’ils ont moins d’un an d’ancienneté.

C’est dans ce contexte que les conseils de prud’hommes ont pu juger, concernant des salariés dont l’ancienneté n’excédait pas deux ans d’ancienneté, qu’ils n’avaient pas bénéficié d’une indemnité adéquate ou d’une réparation appropriée.

On souscrit pleinement à cette analyse.

A la différence du barème, dont l’existence a pour finalité de limiter financièrement les risques de l’employeur qui a agi de façon illicite, ces textes internationaux se placent du côté du salarié victime d’un licenciement injustifié, et veille à lui assurer une indemnisation en adéquation avec son préjudice réel.

Cela étant, une hirondelle ne fait pas le printemps, et sans vouloir préjuger du sort de ces décisions, il reste à espérer que des Cours d’appel, notamment celles de Paris et de Versailles, entreront également en résistance, avant que la Cour de cassation soit à son tour appelée à se prononcer.

Il est du devoir des avocats de soutenir devant les juridictions prud’homales l’inconventionnalité du barème.

Rédigé par SYNDICAT CGT LOGISTIQUE CARREFOUR SUPPLY CHAIN

Publié dans #NEWS CGT

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