Nullité du licenciement en cas de violation de la liberté d’expression

Publié le 9 Février 2019

La liberté d’expression a été la première liberté fondamentale du salarié affirmée par la cour de cassation. Un licenciement qui méconnait cette liberté est nul de plein droit et expose l’employeur à d’importants dommages et intérêts (1). Attention toutefois, car cette liberté ne doit pas être source d’abus (2).

1/ La protection de la liberté d’expression

La liberté d’expression est une liberté fondamentale consacrée par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

La Cour de cassation considère que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Par exemple, les propos du salarié concernant son employeur, tenus sur les réseaux sociaux, relèvent à l’évidence de sa liberté d’expression et sont soumis à ce titre aux mêmes limites (voir plus bas).

La liberté d’expression des salariés qui dénoncent des comportements illégaux dans l’entreprise est également encadrée par le code du travail : ainsi, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure de licenciement pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits de harcèlement ou de discrimination ou de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime.

Dans ce cas, le licenciement est nul de plein droit.

En cas de contestation devant le conseil de prud’hommes, il y a une alternative :

Soit le salarié demande sa réintégration, et dans ce cas, il a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Soit il ne demande pas sa réintégration et sollicite en contrepartie des dommages et intérêts, étant précisé que les plafonnements (ou barèmes) d’indemnisation instauré par l’ordonnance du 22 septembre 2017 ne sont pas applicables lorsque le licenciement est entaché de l’une des nullités prévues par l’article L 1235-3-1 du Code du travail, à savoir notamment la violation d’une liberté fondamentale comme la liberté d’expression (c’est le cas également en cas de harcèlement moral ou sexuel, de discrimination, dénonciation de crimes et délits, licenciement lié à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé, non-respect des protections spécifiques attachées à la grossesse, la maternité, ou encore les protections dont bénéficient les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle).

L’enjeu financier pour l’employeur, en termes de dommages et intérêts accordés au salarié, est donc important.

2/ Les limites de la liberté d’expression

Comme toute liberté, la liberté d’expression n’est pas sans limite. La liberté d’expression est ainsi soumise à la théorie de l’abus de droit. Mais comment caractériser un tel abus ?

La position de la cour de cassation est très claire : l’abus dans l’exercice de la liberté d’expression dont jouit tout salarié suppose de caractériser l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Ces trois termes sont employés régulièrement pour marquer la différence entre les propos critiques, qui sont admis, et les propos qui constituent une faute. Un salarié a par exemple le droit de s’exprimer librement envers ses supérieurs, y compris pour critiquer leurs décisions, dans des termes qui peuvent être vifs.

La diffamation et l’injure peuvent être facilement caractérisées. La diffamation suppose l’allégation ou l’imputation d’un fait précis qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. L’injure ne précise pas les faits mais comporte une expression outrageante. Il en va ainsi de propos qualifiant le directeur d’agence de « nul et incompétent » et les chargés de mission de « bœufs ».

La caractérisation des « propos excessifs » est plus incertaine, car tout dépend des circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus ou du caractère isolé ou répétitif des propos ; c’est toujours du cas par cas.

Fréquemment, le débat judiciaire a pour origine la dénonciation par le salarié de pratiques condamnables dans l’entreprise (harcèlement, discrimination, lanceur d’alerte etc.).

La Cour de cassation décide que la dénonciation de tels faits de harcèlement ou discrimination ou le  signalement à l’autorité compétente d’un fait délictueux, sont une manifestation de la liberté d’expression et ne peuvent constituer une faute, sauf en cas de mauvaise foi caractérisée du salarié.

Caractérise ainsi la mauvaise foi des manœuvres frauduleuses ou une campagne de déstabilisation : les cas sont assez rares dans la pratique.

Rédigé par SYNDICAT CGT LOGISTIQUE CARREFOUR SUPPLY CHAIN

Publié dans #DROIT DU TRAVAIL

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