Inaptitude professionnelle : les 6 erreurs qui peuvent vous coûter cher !

Publié le 20 Mars 2017

Inaptitude professionnelle : les 6 erreurs qui peuvent vous coûter cher !

Inaptitude professionnelle : les 6 erreurs qui peuvent vous coûter cher ! Juritravail

Plusieurs erreurs sont couramment observées chez les chefs d'entreprise lorsqu'il s'agit de licencier un salarié pour inaptitude. Voici une liste non exhaustive d'exemples constatés dans les entreprises. Veillez donc à les éviter pour être en conformité.

Respecter les étapes du licenciement pour inaptitude

Comment bien licencier un salarié pour inaptitude ?

Ne pas organiser la visite de reprise

Certains arrêts de travail justifient l'organisation d'une visite de reprise (1), c'est le cas d'une reprise consécutive à :

  • un arrêt de travail pour maladie non professionnelle d'au moins 30 jours ;
  • un arrêt de travail pour un accident de la vie privée d'au moins 30 jours ;
  • l'issue d'un congé maternité peu importe la durée ;
  • un arrêt de travail pour accident professionnel d'au moins 30 jours ;
  • une maladie professionnelle, peu importe la durée de l'arrêt.

C'est vous, employeur, qui devez prendre l'initiative de la convocation à la visite de reprise en invitant le salarié par tous moyens mais pas nécessairement par lettre recommandée (2).

Cette visite médicale doit être organisée le jour de la reprise effective du travail, et au plus tard dans un délai de huit jours suivant cette reprise (1).

Attention, si le délai est passé, ce retard ouvre droit à des dommages-intérêts (3) voire même à un rappel de salaire si le salarié se tenait à votre disposition et que ce retard est de votre fait (4).

Si vous n'organisez pas du tout de visite médicale, il en résulte nécessairement un préjudice donnant lieu à des dommages et intérêts (5).

De plus, le salarié qui reprendrait le travail sans visite de reprise serait fondé à prendre acte de la rupture de son contrat à vos torts (6).

Ne procédez pas non plus au licenciement du salarié sans visite de reprise ! En effet, tant que la visite de reprise n'a pas eu lieu, le contrat de travail reste suspendu (7).

Sachez cependant que depuis le 1er janvier 2017 avec l'application de la Loi travail (8) une seule visite de reprise suffit pour constater l'inaptitude. Ce n'est que si le médecin du travail l'estime nécessaire qu'un second examen est réalisé.

Prononcer un licenciement en vertu d'un avis d'inaptitude du médecin traitant

Le médecin du travail est le seul à pouvoir constater l'inaptitude du salarié.

Vous ne pouvez donc pas vous appuyer sur un certificat établi par le médecin traitant alors qu'il n'a pas sollicité l'avis du médecin du travail (9).

De même, le salarié ne peut refuser d'exécuter les tâches inhérentes à son contrat de travail en se fondant sur l'avis de son médecin traitant, alors que le médecin du travail n'avait émis aucune réserve quant à la reprise du travail (10).

Un autre arrêt appuie cela : la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul, lorsque l'inaptitude du salarié n'a pas été préalablement reconnue par le médecin du travail mais seulement par une commission médicale (11).

 

Ne pas reprendre le versement du salaire dans le mois suivant l'avis d'inaptitude

Lorsque le salarié est déclaré inapte, vous devez tenter de reclasser le salarié ou procéder à son licenciement en cas d'impossibilité de reclassement. Si le reclassement n'a pas eu lieu dans un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical, vous devrez reprendre le paiement du salaire (12)

Cette règle a un caractère d'ordre public (13) et ce délai n'est pas suspendu par une demande de précision au médecin du travail (14) ou par la convocation à l'entretien préalable (15).

Il n'est pas non plus question de substituer ce versement par la prise de congés payés (16).

A noter que l'obligation de reclassement est maintenue même après ce délai d'un mois.

La fin de ce versement de salaire la reprise du salaire est marquée par la date d'envoi de la lettre de licenciement (17).

 

Ne pas chercher à reclasser le salarié inapte

Depuis la Loi Rebsamen (18) et plus récemment la Loi travail (8), l'employeur peut désormais s'exonérer de toute recherche de reclassement pour 2 motifs. Si l'avis d'inaptitude porte la mention :

  • "tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé"
  • "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi"

A défaut, vous devez absolument chercher à reclasser votre salarié (19). Ce n'est qu'en cas d'impossibilité de reclassement justifiée, que vous pourrez procéder au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (20).

Cette recherche de reclassement doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications sur les capacités restantes du salarié. Le poste proposé doit être aussi comparable que possible au poste précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles qu'aménagements, adaptations ou transformations de postes existants (21).

Si vous ne cherchez pas à reclasser le salarié, vous vous exposez à voir la rupture ainsi intervenue requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui ouvre droit au salarié aux indemnités de fin de contrat (indemnité de licenciement, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés) ainsi qu'une indemnité pour le préjudice subi qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire (22).

Néanmoins, un allègement issu d'une jurisprudence du 23 novembre 2016 vous permet à présent de restreindre le périmètre des recherches de reclassement en vertu de la position du salarié ou de ses souhaits (23).

Ne pas recueillir l'avis des délégués du personnel en cas de reclassement et oublier de justifier l'impossibilité de reclassement

Avant le 1er janvier 2017 (8), c'était seulement en cas d'inaptitude résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle que les délégués du personnel (DP) étaient consultés sur les postes de reclassement. Désormais, dès lors que la visite d'inaptitude est postérieure au 1er janvier 2017, l'obligation de consulter les délégués du personnel avant de proposer un poste de reclassement s'applique que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou non (21).

La consultation des DP sur le reclassement n'est obligatoire que si l'entreprise est soumise à l'obligation de mettre en place des DP dans l'entreprise, c'est-à-dire si son effectif est supérieur à 10. Vous devez fournir aux DP toutes les informations nécessaires quant à l'état de santé du salarié et à la recherche de reclassement pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause (24). A défaut, la consultation est irrégulière (25).

L'absence de consultation ou une consultation irrégulière des délégués du personnel rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (26).

Autre nouveauté issue de la Loi Travail (8) : désormais que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou pas, en cas d'impossibilité de reclassement, le salarié doit être informé par écrit de cette impossibilité et des motifs qui justifient cette impossibilité (27).

L'absence de notification écrite des motifs de l'impossibilité de reclassement constitue une irrégularité de forme qui donne droit pour le salarié à des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier (28)(29).     

 

Oublier la procédure spécifique aux salariés protégés      

Vous souhaitez une petite piqûre de rappel ?

Licencier un salarié protégé (entreprise avec CE)

Le salarié protégé étant un salarié un peu à part, il ne faut pas l'oublier. Le licenciement pour inaptitude obéit à un régime juridique spécifique. Vous devez à cet effet consulter les délégués du personnel et le comité d'entreprise (CE) (30). La consultation préalable des délégués du personnel constitue une formalité substantielle. A défaut, l'autorisation de licenciement doit être refusée (30).

Avant de procéder au licenciement, vous devez également obtenir l'autorisation préalable de l'inspection du travail (31). Savez-vous qu'en cas de non-respect, le licenciement est nul et que les conséquences sont encore plus lourdes qu'en licenciement sans cause réelle et sérieuse : il pourra soit demander sa réintégration accompagnée d'une indemnité, soit obtenir une indemnité de licenciement, ses indemnités compensatrices de préavis et de congés payés ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice, dont le montant est fixé à 6 mois de salaire minimum et en cas de non-respect de la procédure de licenciement, indemnité réparant le préjudice causé par cette irrégularité.

En cas de doute sur la marche à suivre lors d'un licenciement pour inaptitude, n'hésitez pas à prendre contact avec un avocat spécialisé en droit du travail. 

 

Références :

(1) Article R4624-31 du Code du travail
(2) Cass. Soc. 28 avril 2011, n°09-40487
(3) Cass. Soc. 30 juin 2009, n°08-70011
(4) Cass. Soc. 28 septembre 2011, n°10-16757
(5) Cass. Soc. 15 mars 2005, n°03-42677 ; Cass. Soc. 13 décembre 2006, n°05-44580 ; Cass. Soc. 19 juin 2013, n°12-12816
(6) Cass. Soc. 22 septembre 2011, n°10-13568 ; Cass. Soc. 5 décembre 2012, n°11-21587
(7) Circulaire DGT n°13, 9 novembre 2012
(8) Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
(9) Cass. Soc. 8 octobre 1987, n°84-45449
(10) Cass. Soc. 9 octobre 2001, n°98-46144
(11) Cass. Soc. 21 mai 2002, n°00-41012
(12) Articles L1226-4 et L1226-11 du Code du travail
(13) Cass. Soc. 19 octobre 2016, n°14-23828 ; Cass. Soc. 10 février 1998, n°95-45210
(14)  Cass. Soc. 25 mars 2009, n°07-44748
(15) Cass. Soc. 10 février 2016, n°14-14519
(16) Cass. Soc. 3 juillet 2013, n°11-23687
(17) Cass. Soc. 12 octobre 2011, n°10-15258
(18) Loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi
(19) Article L1226-2 du Code du travail
(20) Article L1226-2-1 du Code du travail
(21) Articles L1226-2 et L1226-10 du Code du travail
(22) Article L1235-3 du Code du travail
(23) Cass. Soc. 23 novembre 2016, n°14-26398 ; Cass. Soc. 23 novembre 2016, n°15-18092
(24) Cass. Soc. 15 décembre 2015, n°14-14688
(25) Cass. Soc. 16 septembre 2015, n°14-15440 ; Cass. Soc. 13 juillet 2004, n°02-41046 ; Cass. Soc. 8 février 2017, n°15-22341
(26) Cass. Soc. 8 avril 2009, n°07-44307 ; Cass. Soc. 29 février 2012, n°10-28848
(27) Article L1226-12 du Code du travail
(28) Cass. Soc. 21 novembre 1995, n°92-45304 ; Cass. Soc. 6 mai 1998, n°95-40579 ; Cass. Soc. 24 janvier 2001, n°99-40263
(29) Article L1235-2 du Code du travail
(30) CE, 22 mai 2002, n°221600 et CE, 4 juillet 2005, n°269173
(31) Article L2411-3 à L2411-15 du Code du travail

Inaptitude professionnelle : les 6 erreurs qui peuvent vous coûter cher !

Rédigé par SYNDICAT CGT LOGISTIQUE CARREFOUR SUPPLY CHAIN

Publié dans #DROIT DES ELUS

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